Nous voilà à 3 semaines de confinement. Et tout commence à se mettre en place, nous nous adaptons à cette nouvelle réalité.
j’ai déjà été confinée à plusieurs reprises pendant la maladie d’Emma, que ce soit à l’hôpital ou à la maison, j’ai donc vite retrouvé certains automatismes, même si cette fois, c’était différent: j’étais seule avec la poilue ronronnante. Et puis d’autres paramètres sont venus s’ajouter pour rendre l’expérience un peu plus complexe: mes allergies sont très virulentes, j’ai une laryngite et ce confinement survient au moment de l’anniverciel de ma fille… Je savais donc que j’allais devoir traverser quelque chose qui ressemblait fortement à un enfer personnel. Et que j’en sortirai plus forte, plus sage, plus humble aussi…. Comme mes expériences précédentes me l’ont appris. Et que la leçon principale était simple: la patience.
Les deux premières semaines, j’étais complètement aphone. Les rares fois où j’essayais de parler (en forçant, pas malin du tout), c’était lors de l’appel téléphonique quotidien de mes parents. J’en ressortais épuisée, en toussant pendant un bon moment. Mais je savais que ça les rassurait, et puis ça me faisait plaisir aussi d’avoir une conversation, même limitée, avec un être humain (parce que le chat, clairement, a un vocabulaire un peu pauvre….).
La deuxième semaine, j’ai eu comme chaque année depuis 4 ans (déjà 4 ans!), des flashback des derniers jours d’Emma. Et là, problème, parce que lorsque ça se produisait, les années précédentes, je partais au bord du lac ou de la rivière, je prenais l’air, et je laissais les souvenirs s’évaporer tranquillement. Là clairement, impossible. Du fait de ma crise allergique plutôt violente (d’où la laryngite), j’étais sous stéroides et corticoides. Et malgré ça, les symptômes étaient toujours là dès que j’ouvrais la fenêtre. Donc confinement stricte…. je faisais partie des personnes à risques…. J’ai donc du m’adapter, trouver de nouvelles solutions.
Impossible de jouer de la flûte (ça m’aide beaucoup à retrouver ma sérénité, entre les mélodies et la gestion du souffle, c’est plutôt efficace en cas de stress…), frustration, beaucoup de travail (il a fallu tout réinventer, tout expliquer, tout adapter, être là pour les parents, pour les aider, les rassurer, les épauler, les déculpabiliser, les motiver, trouver des solutions pour garder le contact avec les enfants…). Et pas du tout envie de gribouiller. Par contre, une énorme envie de bidouiller…. et de mettre de l’ordre (dans ma tête et chez moi… rassurez-vous ça n’arrive que quelques semaines par an, le reste du temps, je cultive…. ma créativité).
J’ai donc commencé par faire un peu de tri… et puis début mars, j’avais eu une petite idée pour occuper la dernière semaine du mois, pendant laquelle je savais que j’allais être arrêtée parce que très compliquée….J’avais acheté de quoi m’occuper de mes jeux de cartes. J’en ai un certain nombre, maintenant, entre les cartes citations, les cartes d’affirmations positives, les cartes symboles, et d’autres encore…. je me suis dit que c’était l’occasion de me débarrasser également de mon stock de papiers scrap, vu que je ne fais plus de scrapbooking depuis un bon moment…. et je me suis mise à la confection de petites boites pour les organiser et les rendre plus accessibles aussi… j’ai passé du temps à sélectionner des papiers qui leur correspondaient, soit par leurs couleurs, soit par leur thème… une à la fois, pendant mes pause de travail, ou lorsque les flashbacks étaient trop présents… Aujourd’hui, j’en suis là (je vais leur faire un article pour elles toutes seules):

Et puis j’ai surtout redécouvert l’écoute. L’écoute en général. De ce que qui m’entoure, de ceux qui m’entourent (même si là, c’était surtout par écrit, mais tout passait quand même), et de moi, aussi. J’ai vraiment fait un gros travail dessus. Comment dissocier ce qui vient de l’extérieur de mes propres émotions? Et là, j’avoue, le moment particulier de ce confinement m’a vraiment aidée à relativiser, à être lucide aussi. Et à remettre tout ça en perspective. Je connais les gestes barrière, tout parent dont l’enfant a été immunodéprimé, tout malade immunodéprimé, toute personne en contact avec des malades immunodéprimés les connaissent, en période d’épidémie de grippe,de gastroentérite, voire en temps normal… La peur de contaminer l’autre, d’être contaminé, c’est un sentiment quotidien dans ces situations là. Il faut savoir faire ce qu’il faut pour se préserver. Et préserver ceux qu’on aime. Les consignes étaient claires, une fois suivies, on pouvait être un peu plus sereins. Le plus compliqué c’était toute la communication sur l’insuffisance respiratoire due au virus… Emma en est décédée… et j’ai donc du faire un gros travail pour que la simple évocation de ces mots ne provoque pas une immédiate montée de larmes (c’est un travail toujours en cours… ). Mais du coup, je suis parfaitement consciente de ce que ça implique. Le plus compliqué a été de gérer mes émotions personnelles face à l’égoïsme, à la bêtise, de certains… ma misanthropie latente y a trouvé un terrain de jeu infini… Mais j’ai réussi à relativiser…. Comme pour d’autres domaines, je fais ce que j’ai à faire, je me protège et protège ceux qui me sont proches, j’explique, mais ensuite j’accepte de ne pas pouvoir changer celui ou celle qui n’en a pas le désir. Ce n’est pas mon problème, c’est le sien. Les leçons que nous tirerons ce cette expérience seront clairement très différentes, mais elles seront tout aussi valables.
J’ai vraiment pris la mesure de ce qu’est la patience. Je n’attends pas la fin du confinement (déjà parce qu’il ne me dérange pas tant que ça, asociale que je suis, même si j’aimerais être un peu plus libre de mes mouvements et que j’ai hâte d’aller boire un verre avec mes amis pour qu’on puisse dédramatiser et rire de tout ça). Je patiente. Je ne suis pas passive, au contraire, je mets des choses en place, j’agis, j’évolue, je m’adapte. Je redécouvre des choses que j’avais oubliées, dans un contexte particulier qui me donne l’occasion de les vivre pleinement.
Et hier, donc, j’ai reçu mon jeu de cartes d’introspection. J’ai récupéré un cahier à peine entamé, que j’ai bidouillé pour mettre tout ça par écrit. Pour les fixer, et parce que ce sera toujours intéressant de revenir dessus de temps en temps…. et je me suis dit que ce serait bien de le faire tous ensemble. Donc demain, je vous propose une nouvelle aventure, toute en douceur, quelques minutes par jour, pour tirer de cette expérience quelque chose de constructif, de positif, pour nous aider à patienter et à en tirer le meilleur. Si ça vous tente, on en reparle demain. Ce sera aussi simple que vous le voulez, aussi créatif que vous désirez, aussi profond que vous en avez envie.
Votre mission du jour, trouver un carnet, un cahier, ou en fabriquer un (j’ai découvert le junk journal, pour ceux qui veulent se lancer dans un projet créatif, ça peut être l’occasion), ou rassembler des post-it, des bouts de papier, ce que vous voulez, où vous pourrez écrire, et on se retrouve demain pour que je vous explique tout ça!

Finalement, je ne regrette pas d’avoir vécu les deux premières semaines comme je l’ai fait. Elles étaient le tunnel un peu étouffant, plutôt sombre, assez désagréable qui m’a permis de me retrouver là où je suis aujourd’hui, la tête pleine d’idées, et bien déterminée à tirer le meilleur de ce confinement. Et à partager cette expérience avec vous.
A demain!